Zéro pointé électoral pour la Guinée, le Mali et le Burkina Faso ?

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Mamadi Doumbouya, Assimi Goïta et Ibrahim Traoré, les chefs des juntes militaires qui tiennent désormais le pouvoir dans leur pays respectifs, ne semble pas prêts d’organiser des élections démocratiques dans les délais initialement prévus.

Il fut un temps, pas si lointain, où les régimes de transition en Afrique de l’Ouest duraient un an, deux au maximum, et où leurs dirigeants, fidèles à leur promesse, organisaient des élections en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel. Moussa Dadis Camara en Guinée en 2008, Salou Djibo au Niger en 2010, Amadou Haya Sanogo au Mali en 2012… Tous ces putschistes – ainsi que Yacouba Isaac Zida, arrivé au pouvoir au Burkina Faso en 2014, après la chute de Blaise Compaoré – ont fini par rendre le pouvoir à un civil élu.

Une décennie plus tard, leurs cadets à Conakry, Bamako ou encore Ouagadougou ne semblent pas pressés d’en faire autant. Ni Mamadi Doumbouya, ni Assimi Goïta, ni Ibrahim Traoré n’organiseront d’élections pour mettre fin à leurs régimes militaires aux dates convenues –  et parfois déjà reportées – avec la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

Flou et reports

En Guinée, le flou le plus total règne, à un an de la fin théorique de la transition, censée se terminer au plus tard en décembre 2024. Le gouvernement n’évoque plus le sujet, et plusieurs chantiers de taille, censés ouvrir la voie à des élections, n’ont toujours pas été engagés. C’est par exemple le cas de la Constitution, qui n’a pas encore été rédigée et qui devra ensuite être soumise à référendum. Ou du recensement de la population, qui doit aboutir à l’établissement d’un nouveau fichier électoral, indispensable à la tenue des scrutins communaux, législatifs et, surtout, présidentiel. Quant au comité de suivi du chronogramme électoral, il ne s’est plus réuni depuis juillet. Bref, le processus est en panne, et Mamadi Doumbouya ne semble pas enclin à le relancer.

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Il en va de même au Mali, où Assimi Goïta, tout auréolé de sa victoire symbolique sur les rebelles indépendantistes, à Kidal, à la mi-novembre, n’a pas respecté le calendrier électoral. Après l’adoption d’une Constitution (approuvée à 97%) en juin, des législatives étaient censées se tenir en octobre et novembre 2023. Il n’en a rien été.

Quant à la présidentielle, qui devait marquer le retour à l’ordre constitutionnel en février 2024, elle a été reportée sine die par le gouvernement de la transition. Une position totalement assumée par le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, qui estime que la « démocratie vient après la sécurité ». En clair : pas d’élections tant que le territoire, dont de larges portions échappent toujours au contrôle de l’État trois ans après l’arrivée au pouvoir de Goïta et des colonels, n’est pas sécurisé.

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Un argument que partage son homologue burkinabè, Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla, qui, lui aussi, considère qu’il ne « peut y avoir d’élections sans sécurité ». Après son coup d’État contre Paul-Henri Sandaogo Damiba, le capitaine Ibrahim Traoré avait assuré qu’il respecterait l’agenda convenu avec la Cedeao, à savoir la tenue d’une élection présidentielle d’ici à juillet 2024.

Un an plus tard, celui qui promettait de rester au pouvoir « le temps d’expédier les affaires courantes » semble avoir pris goût aux ors de la République. Comme en Guinée et au Mali, rien n’a été fait pour organiser des élections. À Ouagadougou, l’heure est même plutôt à une prolongation de la transition, ainsi que l’a réclamé, au début de novembre, un collectif d’organisations de la société civile acquises à Traoré.

Difficile de voir ce qui pourrait faire plier l’intéressé, ainsi que son voisin Goïta. Désormais alliés, avec le Niger, au sein de l’Alliance des États du Sahel et soutenus par leur nouveau partenaire russe, les deux putschistes se serrent les coudes et n’ont visiblement que faire des injonctions de la Cedeao.

Source : jeuneAfrique